Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

... aka Reup ...

9 novembre 2010

C'est fini !

Fini la BnF, fini le magasinage.

Mais je reste dans le monde des bibliothèques, et je rouvre un blog :

http://akareup.wordpress.com/

Publicité
16 mai 2010

Identifier les armoiries d'une reliure

Les fonds anciens recèlent parfois des trésors, et parmi eux des ouvrages dont la reliure porte les armes d'un précédent propriétaire. Mais ceux-ci n'étant pas toujours identifiés au catalogue, il ne reste plus qu'à chercher. Je suis loin d'être un spécialiste en héraldique, mais si vous non plus, voici quelques outils pratiques sur internet.

 

Ecclésiastique ? Noble ? Au fait, c'est un homme ou une femme ?


(illustration : armes de Pierre-Daniel Huet)Huet

Avant de s'intéresser au blason lui-même, il faut déjà observer ses ornements. Le chapeau est signe que l'on a affaire à une personnalité ecclésiastique. Le nombre de houppes (de nœuds qui pendent de chaque cotés, au bout des cordelières) renseignent sur le rang. Une mitre, une crosse, une croix de procession sont aussi des détails intéressants. Pour les reconnaître, Wikipédia présente un très bon tableau récapitulatif sur cette page. Attention cependant, les rangs ecclésiastiques évoluent, et l'histoire ne retient souvent que le dernier, le plus haut, qui n'est pas forcément celui qu'occupait le propriétaire quand il a fait poser ses armes sur la reliure.

Pas de chapeau ? Cherchez la couronne. Celle-ci vous renseignera sur le titre de noblesse*. On trouve un excellent récapitulatif des différentes couronnes sur le site Héraldique européenne (ainsi que les couronnes d'autres pays européens). Les éventuels manteaux ou dignités de la maison du roi sont aussi utiles. Encore une fois, les armes ne reflètent que l'instant où elles sont posées, attention donc aux évolutions de charges ou de titres.

Marie_Antoinette

Enfin, si vous avez de la chance, vous êtes tombé sur les armes d'une femme. Si le blason est en forme de losange, c'est une femme célibataire ou veuve*. Mais on trouve le plus souvent des armoiries de femmes mariées, identifiables parce qu'elles portent deux écus accolés : à gauche monsieur, et à droite madame. Voici pour exemple les armes de Marie-Antoinette :

Les autres ornements (supports, cimiers, devises) vous seront peut-être utiles pour identifier la personne, mais moins que le blason lui-même.

<update> Avec précaution : le respect des "normes" n'est pas si systématique que ça  (voir le commentaire de RM) </update>

 

Lire le blasonnement


transcription

D'abord, il s'agit de savoir reconnaître les émaux, c'est à dire les "couleurs". On distingue en fait les métaux (or et argent) des couleurs (gueules, azur, sable, sinople, et plus rarement - en France - pourpre, orangé et tanné). S'ajoutent à cela les fourrures (hermine et vair). Sauf que sur une reliure, les émaux n'apparaissent généralement pas en clair, mais en bicolore. La transcription des émaux en noir et blanc est très codifiée.

Cependant, comme nous ne sommes pas non plus en noir et blanc, pour des raisons de lisibilité et d'esthétique, ces normes ne sont pas toujours respectées. Par exemple, les armes royales de France (l'écu de gauche des armes de Marie-Antoinette) sont d'azur à trois fleur de lys d'or, mais représentées beaucoup plus simplement.

Restent ensuite à définir les éventuelles partitions de l'écu (parti, coupé, tranché, taillé, écartelé). Il s' agit du découpage du blason : est-il coupé en deux horizontalement ou verticalement, en biais, coupé en quatre ? Pour pouvoir les nommer, se reporter à l'excellent site Blason. Malgré son apparence parfois vieillotte, c'est une mine d'or, et il est très clair.

Repérez ensuite les pièces, c'est à dire les figures géométriques fixes. Pour les reconnaître, ce même site est le plus efficace, sur cette page.

Enfin, restent les meubles, c'est à dire les trucs les plus remarquables et les plus discriminants : végétaux, animaux, objets... On trouve plein de listes exhaustives sur internet, très utiles quand on connait le nom et qu'on ignore ce que c'est. Mais notre problème est inverse : on voit bien que c'est une sorte d'oiseau sans pattes ni bec, mais on ne sait pas comment ça s'appelle. Le projet:Blason de Wikipédia peut vous sauver, sur cette page illustrée.

Identifier le blason


Vous avez éventuellement des informations sur le titre de noblesse ou la charge ecclésiastique, vous savez si c'est une femme. Vous avez une idée des termes qui seront présents dans le blasonnement de l'écu. La formulation de celui-ci est codifiée : (partition) > émail du fond > pièce(s) ou meuble(s) principaux + émail (+ meuble(s) de charge) > (meuble(s) d'accompagnement).

C'est donc très compliqué, et malgré toute la rigueur de votre apprentissage du formidable site précédemment évoqué, vous risquez d'avoir du mal à formuler le blasonnement de votre écu assez parfaitement pour tenter une recherche Google avec guillemets. Il faut donc souvent agir par tâtonnements. Tous les indices sont bons à prendre : supports, devise, mentions manuscrites presque lisibles sur la garde, chiffres ou motifs très spécifiques sur le dos...

Les meilleurs outils :

 

Les plus : Assez complet, et spécialisé dans le domaine qui nous intéresse. En fin de volumes, des index des pièces et meubles très utiles.
Les moins : En mode image seulement sur Gallica, et de mauvaise qualité (on n'y voit pas grand chose sur les illustrations). Recherche par mot impossible, donc.

 

Les plus : Richement documentée, spécialisée, illustrée d'excellentes photographies, moteur de recherche efficace, facile d'utilisation... Un modèle.
Les moins : Par nature restreinte aux seules collections lyonnaises, donc parfois insuffisamment riche.

 

Les plus : Reprend les armoriaux de Rietstap, d'Hozier, et plein d'autres. Le plus riche que j'ai trouvé (il revendique 150.000 blasons !).
Les moins : Une très longue liste triée par noms, sans moteur de recherche.

 

Les plus : Moteur de recherche avancée intégré, nombreuses illustrations.
Les moins : Moins riche que le précédent, et parfois très, très lent, voire inaccessible.

 

Les plus : Illustré, organisé, avec des informations sur les détenteurs des blasons.
Les moins : Illustrations modernes et normalisées, parfois éloignées des armoiries anciennes trouvées. Beaucoup moins complet que les autres, et organisation figée donc parfois difficile de s'y retrouver.

Pour faire une recherche sur ces trois sites, j'ai fait un moteur Google personnalisé :

 

Après, il ne reste plus qu'à chercher les éléments du blason, et à confronter ses hypothèses sur les différents sites. C'est long et fastidieux, certes, mais je n'ai jamais dit que c'était facile.

31 mars 2010

Un générateur de balises Dublin Core

J'ai bricolé un générateur de balises Dublin Core simple (15 propriétés, sans attributs), disponible ici.

 

Il permet de générer simultanément 25 métadonnées (les propriétés DC sont facultatives et répétables), et son utilisation devrait être assez intuitive. Le pavé de métadonnées est ensuite à insérer dans la partie <head> du document que vous voulez décrire. Bon, je vous accorde que pour le moment ça ne sert pas à grand chose, mais bon...

Il est sous licence Beer-ware, d'autant que c'est du bricolage de néophyte.

24 mars 2010

Entreprendre un chantier de (re)magasinage

Petit préambule.
Des collections à déplacer, une implantation peu satisfaisante du point de vue de la conservation, de la facilité d'accès, quelques raisons qui peuvent entraîner la mise en place d'un chantier d'envergure. Le gestionnaire de la collection, le chef du fonds, le conservateur responsable, quel que soit le nom qu'on lui donne, a souvent son avis sur la procédure à suivre. Cette personne bénéficie généralement d'un certain recul sur les collections ciblées, et donc dans l'idéal d'une vision d'ensemble, depuis la cohérence intellectuelle du fonds jusqu'à son implantation physique. Pourtant, le magasinier, a-fortiori quand il assume des responsabilités d'encadrement, doit disposer d'une certaine expertise matérielle,  fondée sur une expérience concrète quotidienne de ce même fonds. Il semble donc indispensable de le joindre à la réflexion préalable sur la menée du chantier. L'ensemble de l'équipe concernée devrait être consultée, ne serait-ce que pour en tirer les bonnes idées, et lui expliquer les choix retenus.
Ah, autre chose : mes fonctions m'amènent à travailler essentiellement sur des collections de magasins en accès indirect, dont beaucoup de collections anciennes, et considérées comme patrimoniales (donc non sujettes au désherbage).

Pré-requis indispensables.

Avant d'entreprendre un chantier, surtout d'envergure, il faut connaître le fonds concerné et son implantation géographique de manière précise et concrète. À l'instar de l'outil évoqué par Bertrand Calenge pour connaître les documents de chaque espace et leur activité, il faut développer un outil pour connaître leur implantation. Excel, dans ce domaine, reste un bon partenaire, par son bon rapport efficacité / facilité d'utilisation, et par son caractère "graphique". Nous avons développé dans mon service un plan détaillé des magasins placés sous notre responsabilité, qui nous montre les cotes extrêmes par demi-épi, les mètres linéaires correspondant, ainsi que les mètres au sol, car la hauteur des volumes est variable et notre tablettage ajustable, et le métrage de l'espace vacant éventuel. Cela nous permet de mesurer automatiquement l'importance volumétrique des grands ensembles qui composent nos collections. Il nécessite une mise à jour à chaque modification, et pour être utile d'être partagé avec ses usagers. La réalisation de cet outil demande un pointage laborieux sur place, mais une fois qu'il est fait, son utilité saute aux yeux. Il peut s'avérer trop précis pour un simple plan de repérage, mais permet la réalisation de celui-ci et son actualisation sans effort. Il permet d'éditer, ou de rééditer la signalétique très facilement. De manière générale, il permet surtout d'éviter de réitérer les pointages à chaque interrogation sur une partie ou l'ensemble des collections des magasins.

Autre pré-requis : l'écoute, et aussi celle des nouveaux arrivants dans le service. Cela permet de bénéficier de ce que j'appelle "le roi est nu", en référence approximative au conte d'Andersen. Les regards neufs permettent souvent de prendre conscience que tout est perfectible, même certains usages ou habitudes tellement acquis qu'on n'en questionne plus la légitimité. Certains parlent de crapauds fous, l'enfant qui crie "le roi est nu" est leur ami.

La préparation du chantier.
On entreprend un chantier ponctuel pour améliorer une situation précise, et répondre à un problème concret. Par exemple, déménager une collection d'un magasin à un autre, équiper les tablettes de bande antidérapante, reconditionner des documents... Cependant, il faut essayer de prendre en compte tous les aspects de la collection ciblée avant de l'entreprendre. On pense généralement à prévoir l'accroissement volumétrique d'une collection qu'on envisage de déplacer, mais il ne faut pas oublier l'accroissement physique à nombre de volumes égal. Cet accroissement est dû aux conditionnements et nouvelles reliures à venir, mais aussi aux ouvrages déclassés qu'on retrouvera peut-être un jour, sans oublier bien sûr le fait que la collection que l'on déplace mérite sans doute une "aération", les ouvrages étant trop serrés à cause, et bien, des conditionnements passés et des déclassés que l'on a déjà retrouvés. Cet espace doit être disséminé au sein de la collection, pour éviter les refoulements importants, surtout quand on retrouvera les quelques ouvrages déclassés au cours du mouvement lui-même. Et on tâchera d'équiper les rayonnages d'accueil de manière satisfaisante, pour éviter d'avoir à redéplacer la collection plus tard quand on abordera le chantier d'équipement rétroactif des rayonnages. Mieux vaut perdre du temps en préparation du chantier, interroger les différents interlocuteurs, que se précipiter dans un mouvement qui ne serait pas conçu pour durer.

Le plus confortable pour déplacer une collection temporairement est de bénéficier d'un rayonnage d'accueil vacant. La mise en carton est toujours, toujours, plus lourde et source de déclassements et de perte de temps. Sans compter que les collections redéployées temporairement restent disponibles, contrairement à celles en carton. Je sais, c'est facile à dire, et l'espace est rare partout. Mais mieux vaut déménager une collection sur plusieurs étages, ou encore morceler cette collection que la mettre en caisses. De même, si l'on dispose d'un espace d'accueil temporaire trop restreint, on peut faire le chantier en plusieurs fois. Enfin, si on doit rendre une collection indisponible, rien n'oblige à ce que ce soit la collection qu'on manipule qui le soit : on peut gagner de la place en mettant en cartons un autre fonds, moins demandé.

Enfin, la préparation du chantier doit permettre d'isoler ses grandes phases, qui ne nécessiteront peut-être pas la même force de travail, et ainsi d'organiser le calendrier des opérations. Il faut essayer de prévoir au maximum les détails pratiques. Des exemples : numéroter les cartons sur plusieurs faces (jamais sur le couvercle), définir l'ordre de chargement des chariots (quitte à marquer le coté "début"), communiquer auprès des publics et des collègues (y compris par la signalétique)...

Le suivi du chantier.
Même si c'est laborieux, le suivi du chantier implique de récupérer le maximum de données quantitatives. Le métrage linéaire avant et après (et donc le taux d'accroissement), le nombre de personnes impliquées dans les différentes phases, le volume horaire de travail correspondant, le type de la collection concernée (format, état de conservation), les ressources matérielles utilisées, tout ce qu'on peut noter. Outre une certaine valorisation du travail effectué (jamais négligeable), ces données permettront de préparer au mieux les futurs chantiers, d'en estimer la durée et les besoins liés. Chaque chantier implique une part de pifomètre, ces statistiques permettent de la réduire.

Enfin, le chantier devra donner lieu à un compte-rendu quantitatif et qualitatif, pour rendre l'expérience utile à tous (et s'en souvenir soi-même). Toujours dans le but d'affiner la préparation des chantiers à venir : sur telle phase, on se marchait dessus, il y avait une personne de trop, qui en revanche a manqué sur la phase suivante, on n'a pas assez de chariots, les signets de repérage font perdre du temps et sont inutiles, etc. Ce compte-rendu implique donc la participation à ce chantier.

20 mars 2010

Dichotomies

"Le monde se divise en deux catégories..." La BnF aussi.

Haut-de-Jardin, bibliothèque d'étude, ou Rez-de-Jardin, bibliothèque de recherche ?
Plus des trois quarts des lecteurs du HdJ sont lycéens ou étudiants (près de la moitié des inscrits sont en licence, et 10% sont des lycéens), moyenne d'âge 25 ans. Une forte proportion fait peu ou pas usage des collections mises à leur disposition.
Les lecteurs du RdJ ont en moyenne 38 ans, et sont pour moitié doctorants ou étudiants en master, viennent ensuite les enseignants du supérieur.
Le personnel est partagé entre ces deux mondes. Les collections en magasins du RdJ rendent les coûts d'ouverture des deux niveaux incomparables. En conséquence, beaucoup, beaucoup plus d'heures sont consacrées à la bibliothèque de recherche, et si quelques-uns se consacrent presque exclusivement au HdJ, la majeure partie de l'effectif de magasinage n'y va que peu ou pas du tout. L'image largement répandue est que la principale difficulté du Haut réside dans son lectorat, qui est réputé plus dissipé, moins respectueux des règlements comme des personnels, voire dans certains cas rares mais graves, agressif et violent. Le fait que certains n'utilisent pas les collections est également mal perçu : la légitimité de ces lecteurs est remise en cause. La présence extrêmement marginale mais très relayée par la rumeur interne d'un groupe de proxénètes utilisant l'accès à internet pour organiser leur trafic encourage cet a-priori négatif. Il existe une réelle hiérarchie de prestige entre le HdJ et le RdJ, peut-être même plus chez les professionnels que chez les lecteurs. Cela n'empêche nullement certains agents de préférer le Haut-de-Jardin, mais ils ne peuvent ignorer la désaffection de leurs collègues. Dans les faits, les incidents en HdJ sont très rares, et les conditions de travail pour le personnel très acceptables. En revanche, assez paradoxalement, le projet actuel de réforme de ce niveau semble contribuer à sa mauvaise image, comme si c'était la preuve de ses problèmes. 

Conservation ou communication ?
Parmi les grandes missions de la BnF, la conservation et la communication des collections concernent au quotidien les magasiniers. Dans l'absolu, la préservation des collections est censée assurer au public présent et futur la possibilité d'y accéder. Pourtant, moins un ouvrage est consulté, donc manipulé, plus ses chances de survie dans le temps sont sauvegardées. On ne communique pas un livre pour le conserver, on conserve ce livre pour pouvoir le communiquer, cette schizophrénie est assumée, ça ne la rend pas simple au quotidien. Le RdJ est officiellement une bibliothèque de dernier recours, les lecteurs doivent être accrédités, mais cette accréditation ne garantit en rien la possibilité d'avoir accès à l'intégralité des documents. Nombreuses sont les réponses "Hors d'usage", qui signifient que le document est trop abîmé pour permettre sa consultation, et si la grande majorité des lecteurs s'en accommodent, certains ont plus de mal. La sévérité du personnel est variable, et l'arbitrage toujours subjectif. Deux types de documents entraînent une réponse de ce type : ceux dont l'état matériel a déjà été repéré et notifié par en interne, et ceux pour lesquels on le découvre lors de la demande. La première catégorie donne lieu à une réponse systématique, sans nouvel arbitrage, tandis que la deuxième nécessite une décision de la personne en magasin. Une des armes des "gentils" (pour le lecteur, pas pour le livre) se matérialise en un signet "retour au service de la conservation", qui signifie presque explicitement "ça ira pour cette fois parce que c'est grâce à vous qu'on l'a découvert, mais ne comptez pas le redemander une autre fois". Mais bon, comme le document va passer dans les mains d'autres agents avant de parvenir au lecteur (cf. circuit de communication des documents), quelqu'un de plus sévère (ou de moins laxiste) peut toujours revenir sur cette décision.
On notera que les documents de substitution voudraient être une réponse à ce dilemme. Quand ils existent, les lecteurs y sont systématiquement renvoyés. Pourtant, malgré leur existence, et les nombreux avantages qu'ils apportent (ou promettent), particulièrement les documents numérisés, ils mettent en évidence la grande différence entre l'objet livre, dans son approche matérielle historique, quasi "muséale", et son contenu intellectuel. L'aspect presque affectif du contact avec un livre plus ou moins ancien reste à prendre en compte.
Enfin, sur un autre plan, qui ne relève plus du personnel de magasinage mais influe énormément sur leur quotidien, cette opposition entre conservation et communication se répercute dans l'attribution des moyens humains et matériels à ces deux missions. La communication, c'est la vitrine immédiate, mais la conservation est à la mode avec la numérisation de masse. Qu'est-ce qui rapporte le plus en matière d'image, à court terme ? Le dilemme est complexe, surtout quand les effectifs sont en réduction, et le budget plus que serré (c'est volontairement que je n'évoque pas des arguments qui relèveraient d'une politique réfléchie et raisonnée à long terme, même si je ne saurais désigner les responsables de cette lacune). 

Une bibliothèque pour tous les lecteurs ou pour chaque lecteur ?
Il faut souvent choisir entre assurer la satisfaction du plus grand nombre, quitte à laisser sur le coté ceux qui présente des difficultés, ou se consacrer à eux, et donc un peu moins à tous les autres. La solution réside dans l'organisation du travail, pour garantir le plus juste équilibre. En gros, garantir du temps disponible à des équipes spécialisées dans la résolution des problèmes : soucis techniques, recherche des documents perdus, corrections du catalogue, aide aux lecteurs moins autonomes... Or cette expertise n'est possible que si l'on est confronté régulièrement à ces problèmes tout en étant parfaitement à l'aise avec le fonctionnement de la bibliothèque. Donc en étant fortement impliqué dans le travail courant, la formation théorique ne pouvant remplacer l'expérience. Bien sûr, nul ne peut être spécialiste en tout, et une bonne maîtrise des subtilités du catalogue ne nécessite pas de connaître sur le bout de doigts le circuit de communication, ou la répartition géographique des collections, et inversement. En revanche, une connaissance (et une acceptation) des différents interlocuteurs et de leurs domaines d'expertise est indispensable, et fait parfois défaut.
L'autonomie des lecteurs est recherchée, parce qu'ils en sont parfois demandeurs, et parce qu'elle permet de consacrer plus de temps à ceux qui sont en difficulté. Pourtant, cette autonomie a ses limites, et à trop les laisser se débrouiller par eux-mêmes, on finit par ne plus les aider. Le fait de venir demander un renseignement ne doit pas leur peser comme un constat d'échec ou d'incompétence. Et le nombre d'agents postés en renseignements bibliographiques doit être suffisant pour faciliter ces échanges.

Le lecteur est-il mon ami ou mon ennemi ?
En tant que magasinier, le lecteur me donne du travail. En même temps, c'est un métier que j'ai choisi. Et le lecteur l'une des deux raisons qui font que je travaille enfermé dans un sous-sol de béton (l'autre étant la conservation des ouvrages). Sa satisfaction est le but de mon boulot (enfin, l'un des deux). Il est intéressant de remarquer que les collègues sont partagés entre ces deux tentations. Généralement, mais pas toujours, ce sont ceux qui voient/vivent/créent/fantasment/subissent/entretiennent un clivage social entre les magasiniers et les conservateurs qui expriment une animosité ou une rancune envers les lecteurs. Ils estiment d'ailleurs généralement que ceux qui considèrent les lecteurs d'un œil bienveillant sont aussi les plus prompts à suivre les consignes de la hiérarchie. J'aurais plutôt tendance à me situer du coté des lèche-bottes, mais mon cas est particulier : je suis encadrant de proximité (sous-chef, chefaillon, choisissez le terme qui vous plait le plus).
Pour l'encadrement, le dilemme existe également. Comment équilibrer le rapport entre poids pour l'ensemble de l'équipe et satisfaction des usagers. Entre confort pour les employés et efficience du service rendu. Plus les effectifs se réduisent, plus l'équilibre est fragile. Dans quelle mesure doit-on tenir au mieux, quand faut-il renoncer à une certaine efficacité ? Est-il légitime de s'interdire un effort personnel pour montrer une difficulté collective ? N'est-ce pas dangereux ? Mais n'est-il pas plus dangereux encore de continuer coûte que coûte ?
Pour revenir au lecteur ami ou ennemi, on remarque une réelle incompréhension par les "ennemis" des lecteurs des motivations de ces derniers. La consultation d'ouvrages de vulgarisation, la demande de très nombreux ouvrages, ou volumes de périodiques, parfois pour une consultation très rapide sont considérées comme presque illégitimes, et perçues comme un manque de considération pour le travail des magasiniers. Et, en même temps, les séjourneurs pas vraiment lecteurs du HdJ sont également suspects. Notons enfin l'excès inverse, le stéréotype du "trop ami", qui généralement ne prendra pas la décision finale pour la question sur laquelle il prouve sa gentillesse. Celui qui autorise une photocopie qui sera refusée devant le photocopieur, qui accepte de communiquer un ouvrage manifestement hors d'usage, laissant la sévérité au prochain contact du lecteur.
Peut-être que la BnF gagnerait à organiser pour ses personnels des formations pour connaître et comprendre les lecteurs, savoir ce qu'il font, pourquoi, et comment.

Publicité
24 février 2010

Des horaires

Valérie Pécresse souhaiterait que nos bibliothèques universitaires élargissent leurs horaires d'ouverture. Bien entendu, le personnel des bibliothèques concernées, de (très) près ou (d'à peine) plus loin, s'inquiète. Et a du mal à ne pas être sur la défensive : les idéaux, ou idéologies, du gouvernement ne sont pas toujours partagés chez nous. D'autant que le "faire plus avec moins", c'est un challenge pendant cinq minutes, une corvée ensuite, et parfois carrément mission impossible.

Pourtant... Pourtant, il faut reconnaitre, les bibliothèques françaises ont des horaires bien plus restreints que chez certains de nos voisins. Le rapport IGB 2008 est sans appel : l'amplitude horaire est plus faible, et le nombre de jours de fermeture beaucoup, beaucoup plus élevé. 58 heures hebdomadaires 245 jours par an, contre 65 heures hebdomadaires 305 jours par an.

Alain s'interroge sur l'intérêt d'une amplitude horaire plus forte. Les statistiques de fréquentation de sa BU sont plus faibles quand il n'y a pas cours. Augmenteraient-elles avec si la bibliothèque fermait plus tard ? Pas sûr, en effet. En même temps, cherchons une analogie. Si on double la fréquence de passage d'un bus, on pourrait s'attendre à ce qu'il soit deux fois moins bondé. En même temps, il est assez probable que la ligne devienne plus attractive, si les usagers attendent deux fois moins. Et donc que les bus resteront bondés. Bon, d'accord, c'est pas scientifique, ni empirique, et on se doute bien que le nombre de voyageurs sera quand même limité à un moment. Mais il n'est pas impossible que des horaires accrus dans les bibliothèques leur attirent de nouveaux lecteurs.

Quand la bibliothèque de l'University College of London a demandé à ses usagers ce qu'elle pourrait apporter comme nouveau service, ils ont répondu (et obtenu) qu'elle ouvre 24h/24 les deux mois qui précèdent les examens (c'est le BBF qui le dit). Il ne serait pas stupide de demander à nos usagers français si une avancée dans ce domaine les intéresseraient. Voire même, soyons fous, aux usagers de chaque bibliothèque, et tant pis si toutes les BU ne font pas pareil, pas besoin de label.

Je sais, nous ne sommes pas un pays anglo-saxon, on a pas forcément cette culture du campus. J'ai grandi et étudié en région parisienne, et je ne sais pas si j'aurais apprécié quitter ma BU à 2h du mat, sans transports en commun. Ou même partir de chez moi ou de mon travail à 19h pour aller travailler en bibliothèque jusqu'à 22h, avec le temps de trajet en plus. Pourtant, certains aimeraient. À la BnF, les salles de lecture ferment à 20h. Et j'ai clairement le sentiment que la fréquentation des dernières heures d'ouverture est en hausse. Les places "après 16h", type de place spécifique, rencontrent un succès certain, et leur nombre a été augmenté dernièrement. Dans mon service nous réfléchissons à essayer d'augmenter le personnel pour la fermeture, en tout cas à certaines périodes de l'année. Il semble véritablement que les lecteurs aimeraient rester plus tard. À l'image de la société, d'ailleurs, puisque les magasins ferment de plus en plus tard.

Et puis il y a le public qui ne vient pas parce que ça ne vaut pas le coup avec nos horaires. L'étudiant qui bosse jusqu'à 17h rechigne à venir pour 3 heures moins le temps de trajet. Et comme les commerces, les bureaux, le reste du monde, en fait, ferment plus tard, et bien l'étudiant qui travaille est libre plus tard. Sans compter les lecteurs non-étudiants, qui ne sont certes pas le cœur de cible actuel des BU, mais restent des usagers potentiels. Les horaires des bibliothèques créent des publics empêchés.

Alors j'entends bien l'argument des moyens, et oui, je pense aussi que le service public à un coût qu'il faut accepter de payer. Et je comprends aussi que quitte à ouvrir, autant assurer des vrais services, et ne pas se contenter d'un effet d'annonce sans rien derrière faute de crédits. Et oui, ça n'est pas une ministre qui va nous apprendre notre boulot, à plus forte raison quand on a le sentiment étrange et pénétrant que nos instances dirigeantes ne nous respectent pas à la hauteur de nos qualités. Et puis finir plus tard, ce serait bien que ça se voit sur le bulletin de salaire. Mais je lis aussi en creux trois arguments moins glorieux, ou en tout cas à mes yeux dépassés. Pas chez Alain, bien sûr, mais sur d'autres blogs que j'avais parcourus sur un sujet similaire, et dans certaines proses syndicales.

Le premier, c'est qu'on ne va ouvrir que pour des jeunes oisifs qui vont traîner sur Facebook. Quand on lit ça sur le blog d'un veilleur acharné, twitteur convaincu, multi-abonné RSS, qui trouve qu'une bibliothèque digne de ce nom doit avoir sa page Facebook, on est surpris. Les étudiants sont des glandeurs, certes, mais dans ce cas revenons carrément sur la pertinence des accès internet en salles de lecture. Internet est indispensable dans les études, Google et Wikipédia sont indispensables aux étudiants, pour certains étudiants la bibliothèque est un accès privilégié à internet, voire le seul. C'est en réalité un argument sans rapport avec les horaires d'ouverture, qui questionne surtout la raison d'être d'une bibliothèque, lieu d'études, lieu de vie, ou juste lieu où on consulte des livres.

Le second, c'est qu'on ne va ouvrir que pour trois lecteurs. C'est effectivement un argument à entendre quand on est le payeur, parce que ça fait cher de l'usager. Mais si on accepte d'être du coté de l'usager, d'être son avocat, et de ne pas se positionner tout de suite comme le juge qui devra trancher, alors oui, ça en vaut le coût. S'ils sont trois et qu'ils en ont besoin, assurons leur ce service. Ça n'est pas parce que d'autres n'en ont pas besoin qu'on doit s'abstenir - c'est le principe même de service public.

Enfin, il reste un argument, rarement verbalisé, qui voudrait qu'une bibliothèque, ça se mérite. Si les lecteurs veulent venir, ils n'ont qu'à se plier à nos horaires. Surtout si ce sont des étudiants : il faut leur apprendre le respect des règles. À la BnF, bibliothèque prestigieuse et fière, c'est un argument qu'on devine parfois sans avoir besoin de trop gratter. Et je garde un souvenir ému de mon université qui refusait de communiquer les résultats aux examens autrement que par affichage sur place. Faut se déplacer, faites des efforts, que diable, génération de fainéants, et tant pis si c'est compliqué ou impossible. C'est le coté pète-sec et ringard des bibliothèques qui nous colle à la peau, et dont on cherche désespérément à se débarrasser en bloguant à tout va.

Bref, l'extension des horaires, je suis pour. Enfin, je suis pour, si les usagers le demandent. Et pour le savoir, il faut les interroger à ce sujet. C'est leurs demandes que l'on doit satisfaire, pas celles de notre ministre : ils seront encore là quand elle sera partie s'occuper d'autre chose. C'est sûr, faudra nous en donner les moyens, mais ne rêvons pas, on n'aura pas assez, c'est pas dans l'air du temps. Alors faudra se débrouiller. Service public, quoi.

14 février 2010

La communication des documents : comment ça marche ?

Comme chacun sait, il y a deux niveaux de salles de lecture à la BnF : le Haut-de-Jardin, bibliothèque d'étude, et le Rez-de-Jardin, bibliothèque de recherche. En HdJ (oui, on adore parler en initiales), les ouvrages sont tous en libre-accès. Classés en Dewey, rien d'exceptionnel. En RdJ, certains ouvrages sont en libre-accès, mais surtout les lecteurs peuvent consulter les documents conservés dans les magasins. Ils les commandent depuis le catalogue, et les documents arrivent en banque de salle, où ils peuvent aller les retirer.

 

Contrairement à ce que prétend la légende, le prélèvement des ouvrages en magasin n'est pas automatique. C'est d'ailleurs une tâche qui monopolise beaucoup de magasiniers. Mais comment ça se passe ?

 

Le lecteur commande son ouvrage sur le catalogue. Il peut le faire sur place, ou à distance, mais il doit impérativement avoir une place réservée pour le jour de sa commande. Informatiquement, sa demande est transmise à la station qui couvre les magasins où le document se trouve. Les magasins sont numérotés, pour délimiter des zones "d'adressage", et chaque document dispose donc d'une adresse précise, qui indique dans quel magasin il se range. Des stations sont disséminées régulièrement entre les magasins, et elles ont une "zone de couverture", qui définit quels magasins dépendent de cette station. Chaque magasin dépend d'une station, mais une station gère souvent plusieurs magasins.

 

Un poste informatique en station permet de connaitre les documents demandés par des lecteurs et conservés dans les magasins adjacents. Ainsi, quand le lecteur demande son ouvrage, la station qui gère le magasin où il est rangé en est informée automatiquement, par l'impression d'un bulletin de communication. Et c'est là que la magasinier entre en action, en allant chercher l'ouvrage en magasin, pour l'apporter dans la station. De là, le document sera envoyé vers la banque de la salle où le lecteur a sa place. Cet envoi se fait par Transport Automatisé de Documents (le TAD).

 

C'est le TAD, le système qui fait fantasmer les gens de l'extérieur. On entend parfois dire que ce sont des robots qui prélèvent les documents, mais comme vous avez bien suivi, vous savez qu'il n'en est rien. En fait, ce sont des nacelles, des sortes de paniers ronds et bleus, qui se déplacent sur un rail. Ce réseau ferré dessert (entre autres) la trentaine de stations en activité, et les 8 banques de salles du RdJ. Le système étant automatisé, en pistant le document on informe le système informatique qu'on est en train de l'envoyer, et le réseau sait vers quelle destination la nacelle doit se déplacer. Le document part donc à la vitesse folle de 5 km/h vers la banque qui gère la salle où le lecteur a sa place, où un autre magasinier l'attend patiemment. Et quand le lecteur rend le document, celui-ci fait le même trajet, mais dans l'autre sens.

 

Les magasiniers sont actifs sur le circuit de communication, qui s'apparente à du travail à la chaine. En station, on va prélever les documents quand un bulletin sort, et on range ceux qui nous reviennent par TAD. Il n'est pas toujours évident de conserver à l'esprit que derrière ces demandes et ces retours, il y a des lecteurs qui font des recherches. D'autant que le débit peut-être particulièrement soutenu. En outre, aussi rapide que soit le prélèvement de l'ouvrage à proprement parler, l'envoi reste tributaire du nombre de nacelles disponibles, chaque nacelle ne pouvant desservir qu'une seule destination à la fois, et transporter au maximum cinq documents. En moyenne, un document met 30 minutes à arriver en salle de lecture, prélèvement compris.

 

Si vous êtes lecteur assidu ou occasionnel en Rez-de-Jardin, vous comprenez donc que :
- Si vous avez demandé plusieurs documents en même temps, il est normal qu'ils n'arrivent pas forcément au même moment, puisqu'ils peuvent être conservés à des endroits plus ou moins éloignés.
- Si un incident a empêché votre document d'arriver jusqu'à la banque, il est très possible que le magasinier qui s'y trouve ne sache pas pourquoi. Souvent, il ne connait même pas les personnes qui travaillent dans la station d'où ce document a du être envoyé.
- Si le magasinier en banque vous demande de rendre votre ouvrage avec son bulletin d'accompagnement, c'est parce que ce bulletin permet d'identifier vers quelle station renvoyer le document.

 

Enfin, ce qui surprend le visiteur des coulisses de Tolbiac, ce sont les nacelles TAD. Elles sont rondes et bleues, mais surtout elles sont composée d'une coque où sont fixées les roues accrochées dans le rail, et d'un panier lesté et pivotant. C'est pas facile à expliquer, mais ça leur permet de voyager pendues au rail qui court sur le plafond. Et il y en a plein. Un train électrique à l'envers, avec les aiguillages et tout. Quand on circule seul dans un couloir, suivi par un wagonnet bleu qui avance à la même vitesse que soi, faut mieux pas avoir vu la veille un film de science-fiction, parce que ça peut rendre un poil paranoïaque. J'ai déjà vu des gens leur parler...

29 janvier 2010

Les pros

Avouez, c'est plus gratifiant que "les employés". On n'a pas tous choisi la fonction publique pour l'argent, et le service est notre raison de vivre, mais ça coûte rien de se faire plaisir. Bref, les gens qui travaillent à la BnF.

Le site Tolbiac compte 2000 personnes, les 3/4 du personnel de la BnF. vous trouverez des détails ici. Sauf erreur, ce chiffre n'implique pas les personnels extérieurs, qui travaillent au quotidien sur le site. Et ça en fait un nombre de métiers ! Des conservateurs, en chef ou non, des bib, des BAS et assistants à foison, et pléthore de mags et mags-chefs. Mais aussi du personnel administratif, des relations publiques, des affaires juridiques. Et puis des pros de la restauration, des scientifiques, ceux qui bossent sur les expos. Également du personnel de restauration, mais alimentaire, cette fois, les équipes de nettoyage, les techniciens du TAD (transport automatisé de documents, un jour, je vous dirai), ceux des ascenseurs, des courants forts, des courants faibles, du téléphone, des photocopieurs, les serruriers... La médecine du travail, le service social, les agents de sécurité, la brigade de pompiers attachés au site, l'association du personnel, la bibliothèque pro pour les employés, et j'en oublie sûrement encore. En gros, il manque une supérette et un tabac, et c'est une vraie petite ville (chacun sa conception d'une petite ville, hein !).

Et pour le personnel de bibliothèque à proprement parler, chacun trouve sa place dans un organigramme. Moi, je suis à la DCO, la direction des collections, en gros ceux qui gèrent la mise à disposition des ouvrages pour le public. À la DCO, la plupart des départements sont découpés en services, composés de A, de B et de C.

Structure très hiérarchisée, donc, dans une arborescence complexe et cloisonnée, avec les inconvénients et les qualités intrinsèques. On travaille dans une équipe à échelle humaine, sur un espace géographique défini, à des tâches relativement spécifiques, pour lesquelles on bénéficie d'une certaine expertise. Mais dans un même temps, on ne connait pas vraiment les autres habitants de la ville, et cette ignorance s'accompagne bien volontiers de jalousie ou de condescendance, de querelles de clochers et de rancunes tenaces même-si-on-sait-plus-très-bien-pourquoi, et entraine parfois sur certains points une contre-productivité parce qu'on ne tire pas toujours dans le même sens, et des différences qui finissent par atteindre le public qui ne sait plus trop à quoi s'en tenir. Quant à la saine émulation d'une compétition sur les résultats, faut pas non plus dire de gros mots.

Des tentatives sont faites pour améliorer la coordination de toutes ces structures, mais elles se heurtent souvent à deux facteurs. Tout d'abord, chacun est persuadé de faire au mieux, et au vu de la spécificité des tâches et des collections, il est évident que les différentes procédures mûrement réfléchies en interne et fruits d'une longue évolution se veulent adaptées le plus justement possible à cette spécificité. Si on fait pas comme les autre, c'est pas par hasard. Mais en plus les tentatives de coordination tombent toujours du ciel, pardon, de la direction, et les personnels concernés sont trop peu consultés, ou trop tard. Ce que je connais, c'est le magasinage. Le reste, je laisse ça à ceux qui savent, mais en matière de mon boulot quotidien, je ne dis pas toujours n'importe quoi. Alors les décisions qui certes bénéficient d'un recul salutaire, mais où l'expertise technique fait cruellement défaut, ça fait parfois râler.

Pour prolonger la réflexion d'Alain sur le rôle des magasiniers et leur profil, ce n'est pas seulement le bagage universitaire des nouveaux mags qui a augmenté, c'est surtout le métier de mag qui s'est technicisé. Et les mags, jeunes et plus expérimentés, ont développé des connaissances et des compétences indispensables. Et la hiérarchie des bibliothèques, dans les faits, est plus brouillée. Toutes les catégories, tous les métiers ont leurs compétences propres, et, en tout cas à la BnF, les conservateurs touchent tous les jours des livres (avec leurs mains, si, si), et les magasiniers des ordinateurs. Bien sûr, dans une maison de la taille de la BnF, il faut toujours à être prudent quand on entend monter une nouvelle instance, un rouage de plus dans l'usine à gaz. N'empêche qu'on gagnerait sûrement à voir se créer des collèges de mags, pour apporter leur réflexion et leur expertise sur des points qui les regardent tous. À condition, bien sûr, de les écouter au moins un peu...

27 janvier 2010

Les lieux

Tolbiac. Quatre tours en forme de livres ouverts, posées sur une pyramide tronquée aplatie. A vue de pied, 250 m de tour à tour sur le grand coté, 150 m sur le petit coté.

 

Sur l'esplanade, un plancher exotique, au centre, un grand jardin intérieur enterré, et des petits jardins (des pelouses, en fait) sur les cotés. Pour y accéder, des marches, avec le moins de rampes possibles face nord : en fauteuil on n'arrive que par le sud. Et quand on est là-haut, le lieu est pour le moins aérée, et le plancher diablement glissant par temps humide. Des chemins antidérapants desservent les tours et les entrées du public, aux deux extrémités du jardin. Rien de plus rigolo par temps de pluie que d'y regarder les gens se presser à petit pas, en file indienne (sauf peut-être de lancer des paris sur la stabilité des intrépides qui sortent des sentiers balisés). Et avec les jardins, il ne faut pas compter couper : on part toujours pour un grand tour. On dit que l'idée était de présenter le Savoir comme quelque chose qui se mérite, disons que c'est plutôt réussi - mais faut reconnaitre que ça a de la gueule.

 

A l'intérieur, coté public, tout est démesurément grand. La hauteur sous plafond, les baies vitrées, la longueur des couloirs... Difficile de ne pas penser parfois à la scène du couloir dans Playtime de Tati. La moquette rouge (rouge écureuil, paraîtrait), le bois, les cotes de mailles métalliques en Rez-de-Jardin (le niveau Recherche, sur accréditation) donnent un coté médiéval fantasmé et moderne à la fois. Généralement, ça impressionne. Et vu des salles de lecture, le jardin intérieur, un bosquet boisé, ressemble à une nature en aquarium, ou à une sorte de boule à neige géante. Là, le lecteur se dit : "j'en ai bavé pour y arriver, mais ça valait la peine !". Enfin, sauf le lecteur en fauteuil roulant, celui qui a dû faire le tour tout à l'heure. Parce que la moquette en fauteuil c'est un calvaire, et pour accéder aux salles depuis le couloir en contrebas, les petits ascenseurs (élégamment appelés "monte-charges") sont presque tous en panne, et personne ne sait les réparer. Mais il ne se plaint pas en banque de salle, elles sont suffisamment hautes pour l'en dissuader.

 

Coté "back-office", comme on dit dans le privé, deux univers : le socle, et les tours. Le socle est l'endroit où sont regroupés les salles de lecture et l'essentiel des magasins, donc des magasiniers. Quatre étages de magasins où sont disséminés des bureaux sans fenêtre, autour des salles du Rez-de-Jardin, et deux étages d'ateliers, de bureaux, et de locaux autour des salles du Haut-de-Jardin. Chaque étage étant entouré et desservi par un long couloir blanc, assez surréaliste. Et des portes à lecteur de badge, pour contrôler les accès aux différentes zones. Tôt le matin ou tard le soir, on s'y sent facilement coupé du monde.
Les tours sont composées de sept étages de bureaux en bas, de magasins et de stocks au-dessus. Les étages de bureaux sont tout ce qu'il y a de plus classique, dalles de moquette passage intensif et machines à café. Bon, la moquette de la direction est plus épaisse, et son mobilier plus élégant (c'est le même aménagement que pour les espace des lecteurs), mais pour les autres c'est plutôt banal. Et au dessus, les magasins, on retourne dans le fonctionnel pur et dur. Ah, au fait, cette histoire de panneaux de bois pare-soleil : dans les bureaux, certes, c'est leur utilité, mais les magasins sont derrière des murs en béton, le bois n'est que décoratif. Désolé de briser un mythe...

 

Pour résumer, c'est un site plutôt gigantesque et une véritable œuvre d'architecture. D'aucuns diraient, le délire d'un architecte, mais en même temps, surtout pour ce genre de projet, c'est ce qu'on leur demande, quitte à critiquer ensuite. Pourtant, on y a clairement le sentiment que certaines choses n'ont pas été pensées ou exprimées à temps. Une touche de fonctionnalité, une étape d'adaptation à la réalité. Comme si les futurs usagers, le public comme les professionnels, n'avaient pas été consultés une fois le projet choisi. Clairement, on a parfois l'impression d'occuper un lieu initialement destiné à tout autre chose, squatteurs d'un palais futuriste abandonné, qu'on cherche à adapter à l'utilisation qu'on en fait.

26 janvier 2010

Pourquoi pas s'y mettre ?

Bon, présentation, tout d'abord...

Je travaille en bibliothèque. Laquelle : la Bibliothèque nationale de France. Site François Mitterrand, même si personne en interne utilise ce nom. On l'appelle Tolbiac. Bizarre d'ailleurs, cette habitude. Pas Mitterrand, pas FM, pas TGB, pas de surnom affectueux, aucune évocation de son architecture ("table basse à l'envers", comme j'ai entendu dire une fois), juste Tolbiac. Un nom bref et dur, sans réelle signification dans les esprits (Wikipédia m'apprend que c'est une victoire de Clovis)...

Bref, je travaille à la BnF, site Tolbiac, et je pars facilement dans des digressions futiles. Comme vous l'aurez compris, j'entends écrire sur mon boulot. Pourquoi ? Après tout, j'ai une vie bien remplie, et puis, j'y passe suffisamment de temps comme ça. Mais bon, nous autres employés de bibliothèques, faut qu'on s'exprime. Il est peu de professions aussi bavardes sur la toile, j'ai l'impression, sauf bien sûr les informaticiens. En même temps, faut bien qu'on cherche à justifier notre existence. Et en plus, le Web 2.0, les sites sociaux, tout ça, c'est notre actualité, ça nous permet d'essayer de rester branchés. Pas facile de se défaire de cette image de ringards, pas vrai ? C'est notre complexe à nous...
Autre argument, je suis mag-chef, et dans notre microcosme, ils sont rares sur le Net, comparativement aux catégories supérieures. Je sais, faut plus dire mag-chef, faut dire magasinier principal, mais je m'y ferai jamais. C'est même pas abrégeable : vous connaissez un mag-prince ? Sans compter que les employés de la BnF sont pas si présents que ça dans les blogs pros. Les BM et BU se modernisent peut-être plus vite...

Enfin bon, c'est parti, ça durera ce que ça durera. Parce qu'en plus d'être bavard, je suis dilettante. Ouais, je sais, j'ai tout pour plaire...

Publicité
Publicité
Archives
Publicité